C’est une initiative du théâtre de la ville de Paris.
Et j’ai eu envie de m’y arrêter quelques minutes car elle a éclairé ma journée d’hier.
Vers 18h, mon téléphone sonne.
Une voix douce et prévenante se présente. Nous discutons quelques minutes avec le vouvoiement de circonstance quand on ne connaît pas son interlocuteur, mais aussi avec une intimité dans la voix. Quelque chose qui veut dire : « ne craignez rien, vous êtes dans une bulle un espace sécurisé et bienveillant ».
Alors, j’ai joué le jeu. J’ai raconté à mon interlocutrice mon état d’esprit du moment, où je suis, comment je vis ce confinement et aussi - puisqu’elle me l’a demandé - ce que je souhaitais le plus en ce moment.
Elle a réfléchi quelques secondes. Et m’a dit : « j’ai une lecture à vous proposer ». Puis : « dites-moi quand vous êtes prête ». J’ai trouvé cette prévenance presqu’émouvante dans cette période où nous ne sommes pas prêt à grand-chose, où il faut plutôt recevoir, faire face et s’adapter ensuite.
Voici la lecture poétique qu’elle m’a offerte :
Poussant la porte en toi, je suis entré
Agir, je viens
Je suis là
Je te soutiens
Tu n'es plus à l'abandon
Tu n'es plus en difficulté
Ficelles déliées, tes difficultés tombent
Le cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plus
Je t'épaule
Tu poses avec moi
Le pied sur le premier degré de l'escalier sans fin
Qui te porte
Qui te monte
Qui t'accomplit
Je t'apaise
Je fais des nappes de paix en toi
Je fais du bien à l'enfant de ton rêve
Afflux
Afflux en palmes sur le cercle des images de l'apeurée
Afflux sur les neiges de sa pâleur
Afflux sur son âtre.... et le feu s'y ranime
Agir, je viens
Tes pensées d'élan sont soutenues
Tes pensées d'échec sont affaiblies
J'ai ma force dans ton corps, insinuée
...et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchi
La maladie ne trouve plus son trajet en toi
La fièvre t'abandonne
La paix des voûtes
La paix des prairies refleurissantes
La paix rentre en toi
Au nom du nombre le plus élevé, je t'aide
Comme une fumerolle
S'envole tout le pesant de dessus tes épaules accablées
Les têtes méchantes d'autour de toi
Observatrices vipérines des misères des faibles
Ne te voient plus
Ne sont plus
Equipage de renfort
En mystère et en ligne profonde
Comme un sillage sous-marin
Comme un chant grave
Je viens
Ce chant te prend
Ce chant te soulève
Ce chant est animé de beaucoup de ruisseaux
Ce chant est nourri par un Niagara calmé
Ce chant est tout entier pour toi
Plus de tenailles
Plus d'ombres noires
Plus de craintes
Il n'y en a plus trace
Il n'y a plus à en avoir
Où était peine, est ouate
Où était éparpillement, est soudure
Où était infection, est sang nouveau
Où étaient les verrous est l'océan ouvert
L'océan porteur et la plénitude de toi
Intacte, comme un oeuf d'ivoire.
J'ai lavé le visage de ton avenir.
Henri MICHAUX, "Poésie pour pouvoir", in Face aux verrous, éd. Gallimard, 1967
J’avais demandé de la sérénité au moment de sortir du confinement.
Le Théâtre de la Ville propose un remède poétique jusqu’au 11 mai. Comme une lotion pour soulager l’âme. C’est très beau et doux. Je vous le recommande sans modération.
Je profite de ce billet aussi pour remercier ces combattants de l’ombre, ceux qui luttent avec des mots et avec l’art. Un essentiel.
Pour vous faire lire de la poésie, ou prescrire ce remède à vos proches : c’est ici