Lola Sorrenti
Conseil éditorial à Paris 10

"All clitoris are beautiful"


Cette tribune n’était pas préméditée…

 

Elles étaient deux.

Deux femmes concentrées et silencieuses.

 

Je sais qu’elles n’ont pas beaucoup de temps devant elles, avant que la police ne débarque ou le voisinage. Je les admire.

 

Nous sommes dimanche après-midi, les familles du quartier sont en balade dominicale, sous le soleil frais de ce début du mois de mars.

 

Cette rencontre fortuite illumine ma journée. Ce mouvement autour des collages m’a toujours intriguée. Je trouve que c’est beau, puissant et courageux. Trois valeurs qui font palpiter le cœur.

 

Avec mon fils, je regarde ça depuis la fenêtre de sa chambre et je lui explique.  Je mets des mots.

« Moi, collage, moi ». Il a presque deux ans. Je souris. Les deux femmes en plein collage aussi.

Nos esprits se rejoignent l’espace d’un instant : pourvu que cette prière ne soit pas vaine et que oui, ces futurs petits hommes deviennent des colleurs. Mieux encore, ces futurs petits hommes vivront dans un monde où nous n’aurons plus besoin de reprendre l’espace public par la force. Car les femmes seront belles et bien (je sais que cela ne s’accorde pas mais ça sonne bien non ?) leurs égales.

 

Elle s’apprêtent à partir. Le collage est terminé :

 

« All

Clitoris

Are

Beautiful »

 

Et c’est à ce moment-là qu’elles se font tomber dessus. Par un, puis par deux, puis par quatre riverains. Elles argumentent. Elles font de la pédagogie. Elles restent polies. Je les admire, je vous l’ai déjà dit, non ?

 

Pendant ce temps-là, le feu monte à l’intérieur de moi et le ton dans la rue. Elles poursuivent, essaient d’expliquer que c’est un message d’égalité. Est-ce si grave d’avoir ces quelques lettres collées sur leur mur ? C’est de la colle à l’eau qu’ils n’aient pas d’inquiétude. À moins que ce ne soit le mot CLITORIS en noir et en majuscule qui pose un problème.

 

Il faut croire que oui. L’un d’eux arrache le mot clitoris. Il ne reste que « All are beautiful », quelle ironie !

Le dialogue n’avance plus.  Je m’imagine qu’elles repartent avec le sentiment du devoir accompli mais du travail déjà défait. Cela me peine.

 

Je suis furieuse. À la relecture j’ai censuré tout le paragraphe qui suit, car à l’inverse de ces deux femmes, je n’ai pas la diplomatie et la pédagogie utile et nécessaire pour faire progresser ce combat. Je voudrais juste les insulter, hurler sans bruit. C’est vain, je le sais.

 

Je suis outrée par tant de bêtise, de confort de classe, de misogynie.

 

Mais en mon for intérieure, quelque chose en feu jubile. Ce comportement absurde me conforte dans ma colère. Ce comportement ne va rien calmer. Au contraire. Il confirme juste qu’il faut s’emparer de l’espace public. De gré ou de force.

 

Cette attitude valide que cette révolution sera féministe.

Mon fils à la fenêtre dit au revoir. J’ajoute : tu peux aussi dire merci. « Aci ».

 

Bravo à vous @collage_feminicide_paris.

Mille fois bravo, mille fois merci.

 


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